jeudi 5 novembre 2009

L’absorption digestive de l’eau : physiologie intestinale appliquée au traitement des gastro-entérites

Le tube digestif humain est une machinerie très complexe dont le but est de permettre la digestion et l’absorption des aliments que nous mangeons. Il débute par la bouche avec les dents qui broient les aliments pour les rendre plus digestes. Puis les aliments passent dans l’estomac où ils sont soumis à une attaque acide et enzymatique (de même que les enzymes gloutons des lessives détruisent les taches rebelles, nos enzymes fragmentent les aliments en petits morceaux), puis ils passent dans l’intestin grêle appelé ainsi car il n’est pas gros mais mesure 7 à 8 mètres de long. Cette partie de l’intestin est capitale car c’est là que se passe l’absorption de presque tout, eau, sels minéraux, protéines, sucres, graisses. Dans cet article, nous n’étudieront que l’absorption de l’eau.

Pour indiquer les quantités nous prendrons comme référence un adulte de surface corporelle= 1.73 m² et un nourrisson de 1 an (10 kilos) dont la surface corporelle est de 0,5 m². Les débits sont en effet proportionnels à la surface de la peau et non au poids.


D’où vient l’eau absorbée par notre intestin?

L’eau alimentaire que nous buvons et celle qui est contenue dans les aliments ne représente que 2 à 3 litres pour un adulte et un litre pour un nourrisson de 10 kilos. Contrairement à ce qu’on peut imaginer l’eau  que notre intestin absorbe soit  9 à 10 litres par jour pour un adulte et 2,5 à 3 litres pour un nourrisson vient essentiellement de notre corps . Elle tourne en boucle surtout lors des repas. C'est le cycle entéro-systémique de l'eau!






















Liquides (litres)              adulte                Enfant de 1 an     
apports alimentaires             2 à 3                          1     
Secrétions  digestives             
estomac                                    1,5                            0,5     
Foie                                           0,5                              0,2     
Pancréas                                 1 à 1,5                      0,4 à 0,7     
Intestin grêle                              3                               0,5    
proximal              
Total                                      9 à 10                        2,5 à 3


On voit ainsi que chez l’enfant, la circulation de l’eau est beaucoup plus importante, puisque le tiers de son poids en eau sera sécrétée puis aussitôt réabsorbée au cours des 24 heures. On comprend aisément que toute perturbation des apports (manque d’eau, vomissements) ou des pertes (vomissement, diarrhée, coup de chaleur) puissent aboutir rapidement à une situation critique. C’est pourquoi la diarrhée du nourrisson est à juste titre une situation à haut risque, même si par bonheur, les choses évoluent souvent bien.

Où va l’eau ?

L’eau que nous buvons ou qui est contenue dans les aliments (le lait et ses dérivés sont essentiellement composés d’eau) séjourne dans l’estomac. Elle est modifiée pour avoir une composition assez proche du plasma qui compose notre sang. C’est pourquoi « l’eau pure » reste plus longtemps dans l’estomac. Elle se mélange aux différentes sécrétions et passe par petites quantités dans l’intestin grêle.
C’est l’intestin grêle qui est chargé de l’absorption de 90 % de l’eau qu’il reçoit.
C'est ici qu'ont lieu les processus d'absorption. La structure de l'intestin grêle est faite de cryptes et de villosités, permettant l'augmentation de la surface d'échange entre le bol alimentaire et le tissu. Les cellules spécialisées dans l'absorption des nutriments sont les entérocytes qui présentent à leur surface des micro-villosités qui, comme les villosités du tissu, ont pour rôle d'augmenter la surface d'échange. Ainsi, on considère que l'intestin humain a une surface de contact avec le bol alimentaire équivalente à la surface de deux terrains de tennis (400 m2).



                Bordure en brosse au microscope électronique et à balayage; c'est cette structure cellulaire ainsi que la présence de villosités du tissu intestinal qui permet d'augmenter la surface d'échanges

 

Comment se passe la réabsorption de l’eau ?

Il existe un mécanisme extrêmement efficace et pratiquement toujours fonctionnel : Le couplage entre l’absorption de l’eau, du sel et du glucose. C’est l’entérocyte,  cellule digestive spécialisée dans l’absorption qui est chargé de ce travail.

bordure en brosse











Le glucose (G) est le sucre du raisin. Il est abondant dans le sucre de table (G+ Fructose) , ainsi que dans l'amidon dont il est le composant (G+G+G)... L'amidon se trouve dans le blé (les pâtes), le riz, la pomme de terre, etc...
Na est le sodium qui se trouve dans le sel de cuisine (NaCl).
L'eau se trouve partout, au robinet, dans le lait, les fruits, et tous les aliments

Le co-transport glucose-sodium-eau :
L’eau arrive dans l’intestin du côté de la lumière (lumen). Elle est accompagnée de glucose et de sodium. Au niveau des micro-villosités de la bordure en brosse se trouvent des transporteurs "actifs"spécifiques du glucose et du sodium (en rouge). Ces transporteurs consomment de l’énergie. Le sodium est envoyé, avec de l’eau dans les capillaires puis dans tout notre corps grâce à « la pompe à sodium » située de l’autre côté de la cellule (en vert) ,  sur la membrane baso-latérale. Cette réaction produit l’énergie nécessaire.

Ce mécanisme reste pratiquement toujours en vigueur et pleinement efficace. C’est lui qu’il faut s’efforcer de stimuler en cas de diarrhée aiguë. C’est pourquoi on utilise des solutions de ré-hydratations que l’on donne souvent et de manière fractionnée pour ne pas dépasser les capacités de l’intestin malade. Ces solutions ont été initialement mises au point pour le traitement du choléra qui est un modèle de diarrhée sécrétoire.






















Vibrion cholérique: c'est une bactérie flagellée qui se déplace dans les eaux contaminées
Cliché Université de Bordeaux

La Toxine du bacille cholérique stimule les mécanismes de sécrétion. Elle entraine des diarrhées profuses de 5 à 8 litres par jour et survient dans des pays où l’infra structure ne permet pas les perfusions. De plus, les perfusions tentaient de compenser les pertes mais la diarrhée restait identique. En donnant simplement à boire un mélange d’eau, de sucre et de sel, on a eu la surprise de voir que « ceux qui buvaient avaient des selles moins abondantes que ceux qui ne buvaient pas » et guérissaient plus vite. On avait stimulé les mécanismes d'absorption.

Implications de ces connaissances sur le traitement des gastro-entérites:

Il faut donc stimuler les mécanismes d'absorption, qui sont le plus souvent intacts: deux principes que nous développerons dans un autre chapitre: réhydrater et nourrir. Puisque nous en sommes à l'eau, voyons le côté ré-hydratation: à volonté, fractionné, souvent.


Autrefois, on utilisait, sous forme de soupe, la carotte qui contient jusqu’à 4,5 % de sucre. Ce qui était remarquablement intelligent. La soupe de carotte se fait avec 500 g de carottes pour un litre d’eau, ce qui abouti à une solution contenant 1 gr de sucre par litre comme notre plasma et  un peu de sel. De plus, la carotte apporte des fibres qui chélatent les sels biliaires et diminuent leur pouvoir d’irritation sur le côlon qui ne les apprécie pas du tout. . L’eau de riz légèrement salée, part du même principe puisque le riz est fait essentiellement d’amidon qui est transformé en glucose. Nos grand mères étaient vraiment très fortes !
Les solutions de ré-hydratations orales (SRO) ont balayé la carotte. On pourrait presque le regretter mais "c'est le progrès"!

Que devient le reste de l’eau qui n’est pas absorbée par l’intestin grêle ?
Bonne question j’allais oublier !
Le côlon se situe juste après l’intestin grêle dans le système digestif et mesure environ 1,5 mètre de long. Son rôle est principalement de stocker les déchets, récupérer l'eau, maintenir l'équilibre hydrique, et l'absorption de certaines vitamines, telle que la Vitamine K. Selon que la composition en eau varie de plus ou moins 5 %, les selles peuvent être liquides ou moulées. Mais les diarrhées d’origine colique n’ont pas l’abondance des diarrhées du grêle.

NB:
Cet article est simplement un aperçu d’une petite partie du fonctionnement de l’intestin vis-à-vis de l’eau. Ne tenter pas de soigner seuls vos enfants en cas de diarrhée aiguë. L’état d’hydratation doit être évalué par un médecin. Même si vous avez vu un médecin et que vous êtes plus tranquille, levez vous 2 ou 3 fois durant la nuit pour surveiller le bébé et lui proposer à boire, sans forcer.

Nous verrons une autre fois la "diarrhée aiguë ou gastroentérite". La simple réhydratation ne suffit pas


Remerciements:
Je remercie Le Dr Jehan-François Desjeux pédiatre qui m'a tout appris sur la diarrhée quand il travaillait avec la toxine cholérique à la mise au point des solutions de ré-hydratations. Il est devenu Directeur de recherche à l'INSERM et Professeur à l'INAM.

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2 commentaires:

  1. que faut-il penser des laits dits de régime, pour les bébés, en cas de diarrhée ?

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  2. Merci Flo,
    vous avez un peu d'avance car dans cet article, il s'agit seulement de l'absorption de l'eau par l'intestin. Cet article doit permettre de mieux comprendre la stratégie de prise en charge des diarrhées. C'est un sujet plus complexe car on est face à une agression du tube digestif par un agent infectieux. Les laits dits "de régime" ont alors leur place et nous en parlerons dans un prochain sujet.
    Ils font partie du coté: "nourrir" du projet: "Réhydrater et nourrir".

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