jeudi 27 décembre 2012

Rhinopharyngites, bronchites et otites et, du bon emploi des antibiotiques


Les maladies du tractus respiratoire haut ( nez, gorge, oreilles) et des bronches sont les plus courantes chez l’enfant. Bien qu’elles soient le plus souvent bénignes, elles peuvent donner lieu à des complications parfois graves.  
Les rhino sont si fréquentes que même "Bonhomme de neige" en a une !!!
                                                              Image: Ines de Chanterac

Les chiffres cités font référence à ma pratique des dix dernières années concernant 11986 cas.
 
Définitions :


La classification de ces états infectieux est délicate et fluctuante avec des termes tels que :
rhino-sinusite : simple rhume, sinusite.
rhino-pharyngite : l’atteinte de la gorge (y compris les amygdales) est prédominante.
rhino-bronchite : la toux est le symptôme majeur.
otite : concerne l’otite moyenne aigüe avec ses diverses variétés.

      L’approche de ces situations en fonction de la cause n’aide guère. En effet , les virus sont la cause la plus fréquente mais bon nombre de ces situations sont associées à des virus et des bactéries.
Dans les pays développés, ces affections sont souvent bénignes et guérissent rapidement. Les formes durables sont plus souvent associées à une infection bactérienne.

Les rhinopharyngites : (37%  des cas)
et sinusites affectent essentiellement le nez : un rhume en quelque sorte !

La gorge n'est pas très rouge. Ça n'a pas l'air bien méchant !
 Elles s'installent en deux à  trois jours et guérissent en une semaine. Très fréquemment,  l'enfant tousse (bronchite). Les agents infectieux responsables sont le plus souvent des virus notamment les rhinovirus dont il existe une cinquantaine d'espèces, mais d'autres virus peuvent être responsables.

Photo Jean-Louis Corsin: jeune rouge-gorge








Les sinusites vraies sont rares chez les petits enfants car les sinus sont peu développés hormis les sinus ethmoïdaux qui sont le lieu d'infections bactériennes exceptionnelles mais dangereuses.

L'ethmodite est une urgence nécessitant un traitement antibiotique immédiat souvent par voie intraveineuse


Tomodensitométrie en coupe horizontale au niveau des yeux:
En noir: l'air (normal) des sinus ethmoïdaux
En blanc: les os.
En gris: liquide (pus) remplissant le sinus (1).
Les deux petites boules sont les yeux. On aperçoit à peine le cristallin plus clair en haut et le nerf optique en bas.



Images Sciencedirect






Les pharyngites isolées concernent la gorge qui est douloureuse. Les maux de tête et la fièvre sont variables. Les virus sont le plus souvent en cause.
Aspect d'angine streptococcique
 Le streptocoque  est soupçonné si quatre items existent :  la température dépasse 38°C, les amygdales sont tuméfiées, il existe des ganglions sensibles, et l'enfant ne tousse pas.   Les antibiotiques sont alors indispensables, surtout si l'enfant a plus de 3 ans. Le streptocoque est responsable de rhumatisme articulaire aigü qui détruit les valves cardiaques et de glomérulonéphrites qui détruisent le rein.

 Photo: internet auteur non cité




Les bronchites : ( 44% des cas) sont souvent associées aux rhinopharyngites.
En théorie c'est très simple : celui qui tousse a une bronchite, mais il faut distinguer le niveau probable des lésions entre :
laryngite : en rouge la zone pathologique
trachéite (9%) : avec une toux plutôt sèche gênante, parfois douloureuse, de tonalité grave, parfois compliquée de laryngite( 2%) avec un tirage. L'enfant respire difficilement, et se met en position assise.
(Image montrant l'oedème du larynx)

bronchite "banale"( 23%) l'enfant tousse de toutes sortes de façons. L'auscultation est normale sauf des râles transmis venant du nez.
bronchiolite et asthme (4%) ce sont les petites bronches qui sont malades, il existe des râles sibilants.(sifflements) expiratoires.
broncho-alvéolite et pneumonie (1%) La présence de liquide dans les alvéoles pulmonaires se traduit par l'existence de râles crépitants inconstants mais caractéristiques.






Les otites moyennes (18 %)
constituent un chapitre très complexe à théoriser car l'aspect du tympan qui devrait être déterminant pour le diagnostic, l'est en fait rarement.
Au fond du conduit auditif on voit le tympan. L'oreille moyenne se trouve  derrière

Certains distinguent 3 types d’otites moyennes. Elles ont des causes et des symptômes différents.
Otite aiguë : une infection de l’oreille moyenne qui dure en général de 7 à 14 jours.
Otite persistante : une infection de l’oreille moyenne qui persiste plus de 6 semaines. Il arrive aussi qu’il y ait présence d’un liquide dans l’oreille moyenne pendant plus de 3 mois, sans signe d’infection ni douleur. Dans ce cas, il est question d’otite séreuse. Il s’agit souvent d’une complication de l’otite aiguë.
Otites récurrentes : lorsqu’une otite aiguë réapparaît plusieurs fois dans une même saison.

Quelques exemples de ma pratique :

Tympan normal
 Un tympan normal est nacré comme une huitre. En haut on voit très bien le relief du marteau ( un des osselets) en bas et en avant le triangle lumineux qui disparait en premier en cas d'otite

Image Dr P. Aidan



 






L'otite perforée : (13% des otites)  c'est assez facile !

Après une nuit difficile ou parfois sans aucun signe prémonitoire, avec ou sans fièvre, les parents constatent un écoulement d'une oreille.  Il s'agit de pus.
 La couleur du pus oriente vers certains germes : jaune, c'est souvent un haemophilus sensible aux céphalosporines, gris, c'est plus souvent un pneumocoque parfois résistant aux antibiotiques si l'enfant en a reçu durant le mois précédent (un prélèvement peut être utile dans ces cas). Les autres germes sont rares dans mon expérience.
Le traitement comporte un antibiotique adapté au germe supposé responsable par voie orale et locale.
J'utilise également l'Eau Oxygénée à 10 volumes en instillation locale car c'est un très bon moyen de surveillance. En présence de pus ( leucocytes polynucléaires neutrophiles contenant des peroxydases) un important dégagement d'oxygène se produit créant une mousse qui nettoie le conduit de l'oreille. Lorsque la mousse ne survient plus, on peut déduire qu'il n'y a plus de pus, ce qui est le signe d'une bonne évolution.
La persistance de mousse après le troisième jour indique que l'écoulement persiste à travers le tympan perforé et doit faire envisager une modification du traitement.

L'otite hyperalgique (moins de 1%) c'est également assez facile mais moins "scientifique" !

Beaucoup d'otites sont douloureuses. On considère qu'elles atteignent une intensité de 7 sur une échelle de 0 à 10. Par comparaison, une ponction lombaire (faite par un maladroit!) est à 5 et une biopsie de moëlle osseuse sans anesthésie est à 7 également.
Quelque soit l'aspect du tympan, si les antalgiques généraux classiques, paracétamol, ibuprofène, aspirine associés à un anesthésique local ne sont pas très rapidement efficaces, il faut avoir recours aux opiacés et aux antibiotiques pour soulager au plus vite l'enfant. Si c'est une otite virale les antibiotiques sont bien sûr inutiles mais tant pis.

L'otite asymptomatique (16% des otites)  ce n'est pas facile !

Il s'agit d'enfants le plus souvent en crèche que l'on voit pour une visite de routine et on a la surprise de trouver des tympans très anormaux bombant. Il n'y a guère de symptômes ou parfois un rhume car c'est l'hiver ( et, en crèche tous les enfants sont enrhumés !). La conduite adoptée en France va de l'abstention thérapeutique ou des simples soins du nez, à l'association antibiotiques + corticoïdes sans parler de la mise en place chirurgicale de drains trans-tympaniques (yoyo). Les études multiples sérieuses montrent que toutes ces démarches ont pratiquement la même efficacité c'est-à-dire très limitée. Je choisis plus souvent l'abstention thérapeutique. La guérison survient avec l'amélioration de la météo ou les vacances des parents.
Lorsque les tympans sont rétractés la situation est différente et sort du cadre de cet exposé.

Le gros des otites dites "classiques" (61% des otites)  cause virale dans 80 % des cas.

Les parents consultent car l'enfant a passé une ou deux mauvaises nuits. Il est enrhumé , il tousse parfois. En position verticale, la douleur se calme. la fièvre est variable
L'aspect aide parfois:
Tympan très bombant avec liquide jaunâtre vu par transparence: bactérie ? prudence !!
 Présence d'une phlyctène (bulle) qui semble parfois remplie de liquide jaunâtre : virus


Tympan rouge ou très rouge peu remanié, rhinorhée claire : virus


Image : Orl Marseille. Rougeur et hyperhémie du tympan, c'est parfois indolore ou au contraire très douloureux.







Les traitements :

L'humidification de l'air.
Les soins classiques du nez.
Les fébrifuges et antalgiques en sirop, paracétamol, ibuprofène plus rarement aspirine ou opiacés.
Les antalgiques locaux : (anesthésique de contact) gouttes dans les oreilles lorsque le tympan n'est pas perforé.
Les antibiotiques.
Avec le bon traitement, ça va s'arranger !
                                                       Image: Artwork: Roberto Mangosi
Signes d'orientation me poussant à employer des antibiotiques :

L'existence d'une conjonctivite, d'une toux, d'une fièvre modérée et d'une otite orientent vers un haemophilus influenzae.
La mauvaise mine de l'enfant, son jeune âge.
L'existence d'une fragilité personnelle (asthme, diabète) ou d'une pathologie associée .
La durée exagérée des symptômes, mais (c'est subjectif en fonction des médecins) .
Les constatations épidémiologiques du moment : c'est l'expérience quotidienne.
Les réactions des parents, ainsi que leur capacité à adhérer au traitement.

Pour résumer :


Les rhinopharyngites et les otites si fréquentes chez les petits enfants  sont le plus souvent virales. Toutes ces affections peuvent coexister selon les moments de l'année et le type d'épidémie en cours. Le médecin qui a ces informations propose le traitement le plus adapté.
 Les antibiotiques sont réservés aux formes sévères .

Conclusion:


          "Beaucoup de maladies infectieuses des enfants sont virales. En traquant le risque de complications ou de surinfection bactérienne , il est possible, sans nuire à l'enfant, bien au contraire, de réduire considérablement la prescription d'antibiotiques tout en proposant un traitement aussi efficace que possible".


References 
Streptococcal Pharyngitis Michael R. Wessels, M.D.N Engl J Med 2011; 364:648-65 February 2011

Acute Bacterial Sinusitis in Children Gregory P. DeMuri, M.D., and Ellen R. Wald, M.D.N Engl J Med 2012; 367:1128-1134

Upper Respiratory Tract Infections (Including Otitis Media): Pediatr Clin N AM 56 (2009) 101-107

Infectious Disease in Children:  KrugmanS. Ward R. Katz S. Mosby Ed. 1977

Expérience personnelle : Dr Gamin

                
                   Retour au sommaire
            
                                mise à jour     le  14/03/2013

lundi 18 juin 2012

Le pédiatre en salle d’accouchement et la naissance du bébé


La Maternité de Pablo Picasso
 Cet article correspond à « mon expérience personnelle durant plus de 20 ans dans une des principales maternités de la région  ». La plupart des accouchements et des séjours en maternité se passent bien et heureusement le pédiatre se contente de dire aux parents que l’enfant est en excellente santé.
















Comment se passe, pour l’enfant, un accouchement normal ?

La naissance est l’aboutissement de la grossesse au cours de laquelle les parents et parfois les médecins se posent bien des questions. L’accouchement est un moment bref mais à haut risque même si la fréquence des accidents est faible.


Il n’existe pas d’accouchement facile. Certes pour les mères, certains accouchements sont plus simples.
Pour l’enfant c’est une situation de stress maximum, au sens physique du terme.
On peut comparer la situation du bébé qui nait, à celle d’un conducteur de 2 CV qui sort d’un tunnel trop étroit, avec un camion de 38 tonnes qui le pousse par derrière.

L’enfant est comprimé à tel point que son cœur ralentit. Le cordon qui apporte l’oxygène est également comprimé et l’oxygène indispensable au cerveau vient à manquer par moment .Or le cerveau ne peut guère supporter l’absence d’oxygène plus de quelques minutes.

Pour protéger son cerveau, le bébé libère de l’adrénaline (l’hormone du stress, de la panique) qui accélère le cœur et contracte les vaisseaux sanguins de tout le corps sauf ceux du cerveau, insensible à l’adrénaline. Les bras, les jambes et la peau non irrigués deviennent tout bleu. Le flux sanguin est totalement orienté vers le cerveau  du bébé.  De plus, le manque d’oxygène et l’accumulation de gaz carbonique entrainent une acidose (acidification du sang) qui favorise la diffusion de l’oxygène vers le cerveau.

On comprend donc, avec l’histoire du camion de 38 tonnes et de l’adrénaline que « naitre tout bleu » témoigne plutôt d’une bonne adaptation du bébé à cette situation de stress.

Cependant même si la nature est bien faite, il existe des critères obstétricaux pour juger de la conduite à tenir en cas d’accouchement particulièrement stressant.


Rôle du pédiatre en salle de naissance :

Si l’accouchement est normal, le pédiatre, comme le gynécologue, est inutile. Mais malheureusement, il existe des situations dramatiques au cours desquelles le pédiatre seul, quoiqu’en collaboration étroite avec l’équipe obstétricale, est amené à gérer des situations complexes et accomplir des gestes urgents. Le pédiatre est seul car la situation est souvent si urgente qu’il n’y a pas de temps pour discuter. Il faut agir vite.



Si l’accouchement est à risque, 

Pour avoir fréquenté très souvent la salle d’accouchement, le plus souvent lors de naissances à risques, j'ai l’expérience suivante :

Laryngoscope pédiatrique
Le pédiatre vérifie que la table de réanimation fonctionne, qu’elle est chaude, qu’il dispose de sondes d’intubation de tailles variées, d’un laryngoscope pédiatrique avec une lampe et des piles en état de marche, d’un cathéter ombilical et des médicaments d’urgence (glucose, adrénaline, oxygène)



Il regarde l’heure, évalue en un instant l’état physiologique de l’enfant (ce qui correspond à l’indice d’Apgar) qui permet de distinguer schématiquement 3 situations :

Pédiatre américaine remarquable
Apgar de 7 à 10 : tout va bien.

Apgar de 4 à 7 : c’est assez bien, mais il faut ramener l’enfant à un score meilleur. Une aspiration et un peu d’oxygène suffisent en général.

Apgar de 0 à 3 : mort apparente du nouveau né.







Analyser et agir très vite: une décision solitaire.

Les gestes importants sont :

-Assurer la libération des voies respiratoires le plus souvent en aspirant le nez et la gorge du bébé. Ventiler l’enfant avec de l’oxygène pur. Un masque suffit les 30 premières secondes
-S’assurer que le cœur bat et éventuellement procéder à un massage cardiaque.
-Si le cœur ne bat pas ou que très lentement, il faut intuber l’enfant, ce qui est plus pratique et efficace pour le ventiler et pratiquer le massage cardiaque.

La situation est réévaluée après 1 minute, 5 minutes  et 10 minutes.

Dès que la situation s’améliore, l’enfant est perfusé et reçoit une solution glucosée qui lui apporte un peu d’énergie.

En pratique : décisions très délicates :

Certaines situations sont difficiles pour le pédiatre et posent des cas de conscience. On a beau travailler en équipe, se préparer, on est parfois très seul devant un nouveau-né pour répondre en moins de 5 secondes à la question : que faire ?

Cas N° 1 : Maladie génétique non viable :

Ce nouveau né respire très mal, est tout bleu, avec une toute petite cage thoracique. Je ne sais pas pourquoi cet enfant est ainsi. J’ai l’intime conviction qu’il ne vivra pas longtemps. « L’intuber le ventiler, le perfuser, n’est-ce pas prolonger vainement sa vie ? » En 5 secondes, je décide cependant de faire tout cela. Puis l’enfant est transféré en Unité de soins intensifs.

Je préviens les parents que la situation est très sérieuse. L’enfant ne survit pas longtemps. Il avait une Myotonie de Steinert à révélation immédiate, transmise par la mère.

La maladie de Steinert est très rare, génétique, à transmission  dominante. Un seul gène reçu d’un des parents donne la maladie. Elle s’aggrave à chaque génération, pouvant se déclarer vers 60 ans pour la première personne atteinte (par mutation de novo), vers 30 à 40 ans pour la génération suivante, puis 20 ans et ainsi de suite. Lorsque la maladie, récente dans la famille et parfois ignorée ou déniée, est transmise pas la mère, une forme néonatale grave peut survenir. La connaissance d’un cas familial permet un diagnostic prénatal.

Ce fut affreux pour les parents, Mais ils purent décider quelques années plus tard d’envisager d'avoir un autre enfant grâce à un diagnostic prénatal par biologie moléculaire.



Cas N° 2 : Souffrance fœtale aiguë :

La maman présente une toxémie gravidique à 34 semaines de grossesse. La tension artérielle monte brutalement à 25. Le bébé souffre. Une césarienne en urgence est faite et on me tend un bébé tout blanc immobile sans respiration, ni bruit du cœur. L’anesthésiste, habituellement d’un grand secours, est occupé par la maman qui va mal. J’ai cette pensée fugace « mais que voulez-vous que je fasse avec cet enfant qui n’a pas l’air vivant? Depuis combien de temps est-il ainsi? »
Je n’ai pas le temps de réfléchir plus longtemps. Je l’aspire, l’intube et commence le massage cardiaque pendant qu’une infirmière le ventile avec de l’oxygène pur. A ma grande surprise, il revient très rapidement à lui. Sa glycémie est normale. Une perfusion lui apporte des calories. J’hésite à l’extuber, tant il va bien. Il est transféré en pédiatrie. Il pèse 1,6 kg pour 42 cm.

A un an,  il marche, se développe parfaitement. A 8 ans il est plutôt grand (132 cm) et en pleine santé.




L’annonce du handicap, certitudes et incertitudes :

L’annonce du handicap est un thème récurrent des publications pédiatriques.
En maternité, il faut à la fois informer immédiatement les parents mais également ne pas se tromper. C’est quasiment inhumain. Les petits handicaps sont facilement pris en charge même s’ils sont vécus douloureusement par les parents.

Les grands handicaps sont une déchirure pour tous. Je prendrai quelques exemples plutôt que de donner des considérations générales.

Cas N° 3 : Trisomie 21 ou Mongolisme :


C’est une maladie liée à la présence d’un chromosome 21 excédentaire. Sa fréquence à diminuée avec le dépistage. Les associations de parents nous disent qu’il faut un diagnostic précoce.
L’enfant est vu en salle d’accouchement. Le diagnostic est suspecté par l’équipe qui a fait l’accouchement. . Pour un pédiatre habitué, le diagnostic est relativement facile. Aucune erreur ne peut être tolérée.  Pour un médecin non pédiatre, ce peut  être impossible. Outre l’apparence,(crâne petit, yeux et langue particuliers) il existe une hypotonie axiale flagrante.Il existe d'autres signes précisant le diagnostic en particulier au niveau de la main.
J’ai hésité 2 ou 3 fois : dans ces cas, les enfants étaient normaux malgré leur apparence. J’ai décidé que, dans l’urgence lorsque j’hésiterai, je dirai aux parents « tout va bien ». C’est ce que je fais. Par bonheur, ou par expérience, je ne me suis jamais trompé.


     En effet en cas de trisomie, si l'on est pédiatre, il faut être sûr. On ne peut pas dire aux parents qu’on hésite, que peut-être ..., qu’il faut attendre le résultat des examens complémentaires qui demandent plusieurs jours … etc.  De plus, le diagnostic est parfois annoncé à la mère seule lorsque le père « épuisé par l’accouchement » est parti se reposer. La mère qui a en général parfaitement perçu le malaise, nous harcèle, à juste titre, de questions qui demandent des réponses immédiates. On ne peut pas la quitter en la laissant dans l’incertitude. Certains parents ne comprennent pas ou ne peuvent pas comprendre les mots « trisomie 21, ni mongolisme ». Il faut donc parfois dire « mongolien » même si cela fait grincer les puristes.

Dans ces situations, les gynécologues font souvent appel au même pédiatre, plutôt doux simple et rassurant, mais il n’a rien de bien agréable à annoncer un tel handicap. L’expérience montre que malgré toute notre douceur, les parents choisissent pour la suite un autre pédiatre (non porteur de mauvaises nouvelles). On les comprend.

Cas N° 4 : Dysmorphie faciale sévère :

Une autre fois l’accoucheur (plein d’expérience) m’appelle en urgence en me disant « viens voir cette enfant : elle a une tête bizarre, elle doit avoir un chromosome en trop » comme s’il voulait dire « une trisomie ». Elle a effectivement une tête très bizarre, enfoncée à droite, bosselée à gauche, mais avec cela, un examen neurologique parfait, un bon tonus. Je déduis que ce bébé a été comprimé dans le ventre de sa mère et que tout ceci s’arrangera en moins de 3  mois. Inutile de préciser que « la tête de la mère » se transforme au fur et à mesure que je lui parle. Cette petite fille, si « déplaisante » à la naissance est devenue l’une des plus belles de ma consultation. Comme quoi tout peut changer, et la mère a gardé le gentil pédiatre ! On la comprend.
.


Cas N° 5 : Agénésie des doigts :

Agathe est un très joli petit bébé, mais elle n’a que des ébauches de doigts avec de minuscules ongles à la main gauche. Curieusement, la malformation pourtant majeure ne semble pas dérouter la maman: "elle fera avec!"
Une question vient immédiatement : que pourra faire cette enfant avec une seule main ? La réponse est simple : on peut pratiquement tout faire avec une seule main car on s’adapte très bien. Quelques questions vont surgir lors de la mise en maternelle « et pourquoi ci et pourquoi ça ? » demanderont les autres enfants durant la première semaine puis tout sera fini. Pour éviter cela, l’année suivante l’orthopédiste propose une prothèse à visée purement esthétique. L’enfant la porte deux jours puis l’abandonne car elle la trouve gênante. La maman et son pédiatre la comprennent.



Conclusion :

    Comme je vous l’avais annoncé au début, ce chapitre n’est pas très gai. Mais les enfants sont par bonheur surtout sujets "à la bonne santé" ou à des guérisons rapides. Il y a le plus souvent des bonnes nouvelles à annoncer.

Rarement, certaines situations évoluent très mal, mais d’autres au départ dramatiques évoluent  très bien. Le pédiatre fait du mieux qu’il peut avec son savoir faire, ses connaissances obligatoirement fragmentaires, son sens de l’urgence. En toutes circonstances, il faut rester efficace mais aussi, humain et doux avec les parents qui sont si fragiles à cette période.

De nombreux progrès ont été fait depuis ces temps anciens, Dr Laborde 1894 !

En forme de souhait :

"Parents : comprenez que les pédiatres, les obstétriciens, les anesthésistes, les sages-femmes,  et tous ceux qui s’occupent de l’enfant et de la mère font un métier très difficile et à très haut risque. Ils doivent savoir prendre sans tarder des décisions, qui engagent l’avenir de toute une vie. Ces professions risquent de disparaître. 
Soyez compréhensifs avec eux comme vous l’avez été avec moi. Merci."

                                     Mis à jour le 15 /06/2012

                    Retour au sommaire

samedi 28 janvier 2012

Allergie et intolérance aux protéines du lait de vache

  L’allergie ou l’intolérance aux  protéines du lait de vache  ne sont pas aussi courantes  qu’on peut l’imaginer. Dans ma pratique sur 60 000 consultations concernant 5000 enfants ces 10 dernières années, elles ne concernent que 34 enfants. Cela semble assez peu, mais correspond assez bien à ce que j’avais noté lorsque j’étais médecin à l’Hôpital à Paris ou nous étions pourtant associés à une unité INSERM spécialisée en gastroentérologie pédiatrique.

Pourquoi le lait de cette belle vache ne me convient-il pas du tout ?


Cependant la fréquence peut varier beaucoup selon les critères que l’on retient pour retenir ce diagnostic. Autrefois on mettait dans cette catégorie les manifestations digestives préoccupantes. Actuellement on inclut toutes les manifestions à l’occasion desquelles on peut retrouver des signes biologiques d’allergie. L’explosion et la simplification des méthodes de recherche de l’allergie par le dosage d’anticorps de la catégorie des IgE (rast) explorant l’immunité humorale, ou la pratique de tests cutanés (prick test ou patch test) explorant plutôt l’immunité cellulaire ont  permis de mettre dans la catégorie « allergie » des enfants qui ont des manifestations digestives ou extra-digestives parfois bénignes.

Des chiffres de 2 à 7 % d’enfants allergiques au lait sont couramment cités. Puisque j’ai suivi 5000 enfants depuis 10 ans que je suis puissamment informatisé, je devrais avoir environ 250 cas. Avec mes 34 cas je suis bien loin du compte. Ceci indique, que je ne sais sans doute pas les reconnaître, ou que les critères sont trop larges ou discutables. Bien sûr, si je devais rechercher des allergies alimentaires chez les enfants porteurs d’eczéma, il faut ajouter 427 enfants, chez ceux qui régurgitent 148, chez les asthmatiques et autres siffleurs récidivistes 264. J’en passe. C’est déjà plus conséquent !

Quelle différence y a-t-il entre allergie et intolérance  ?

C’est assez confus : pour simplifier on peut dire :
L’allergie suppose un mécanisme immunologique d’action rapide  (les IgE).
L’intolérance, c’est le reste : pas de mécanisme allergique ou immunité retardée de type cellulaire (prick test ou patch test positifs).

Les manifestations :

sont les mêmes, le traitement identique et l’évolution peu différente à quelques nuances près. C’est pourquoi j’emploierai le terme d’intolérance plus général pour désigner l’une ou l’autre des situations.

Qu’observe-t-on ?

Les signes cutanés :

Plaques rouges, gonflement, eczéma. L’eczéma est particulièrement intéressant car il est très fréquent et très étudié. On ne sait pas du tout comment interpréter les perturbations immunologiques fréquemment observées dans les formes graves. Certains pensent que ces perturbations sont la conséquence et non la cause de l’eczéma. D’ailleurs la suppression des aliments incriminés apporte rarement une amélioration.

Les signes digestifs :

Ce sont les douleurs abdominales,  la diarrhée aiguë ou les vomissements lors de la prise des biberons.
Plus rarement il s’agit d’une diarrhée glairo-sanglante chez un nourrisson qui semble souffrir.

Les régurgitations et la constipation sont citées.

Les signes extra digestifs :

ORL: laryngite, otites, rhinopharyngites récidivantes.

Respiratoires: toux chronique, et asthme sont cités.

Pourquoi pas le fait de perdre à la Loterie Nationale ? Ca fait aussi mal au ventre !

L’énumération de tous ces signes souvent non spécifiques explique la variation de la fréquence estimée de l’intolérance au lait.

Ce qui n’est pas une intolérance aux protéines :
L'intolérance au lactose concerne plus de la moitié de la population mondiale (image wikipedia)

L’intolérance au lactose (le sucre du lait) génétique survient après le sevrage, très courante dans certains pays et définitive ou temporaire au décours d’une diarrhée aiguë.

Les gastro-entérites aiguës:

Toute sorte de pathologie aiguë ou chronique de l’intestin.


Comment parvenir au diagnostic et chez qui faut-il le rechercher ?

De mon point de vue, ce sont essentiellement les enfants porteurs de signes digestifs et ceux qui souffrent qui doivent être suspectés.

Parvenir au diagnostic est facile chez les tout petits. Il suffit de supprimer pour un mois le lait de vache en le remplaçant par un hydrolysat « poussé » (pseudo lait ne contenant plus de protéines) et faire le point. Lorsque l’amélioration est évidente la suspicion se renforce.

Faut–il faire des tests d’allergie ?

Les prises de sang, les tests cutanés sont pénibles pour l’enfant, source de perte de temps pour les parents et très coûteux pour la société pour un bénéfice douteux le plus souvent.

Cela parait très sérieux comme démarche, mais n’apporte pas grand-chose ni pour le diagnostic, ni pour le traitement. Si c’est positif, on peut être allergique ou non, si c’est négatif, on peut être intolérant ou non. C’est bien ennuyeux.

L’immunologie ne nous éclaire guère.

 Le diagnostic est donc le plus souvent basé sur l’observation de la situation et le récit des parents:

















Que faire à la fin du mois d’exclusion du lait de vache ou du lait en poudre?

1.  Si l’amélioration est évidente et que les signes initiaux étaient évocateurs, poursuivre l’éviction jusqu’à 18 mois.

2. Dans les autres : si l’amélioration n’est pas franche, il faut chercher une erreur de régime (yaourt, beurre etc..) ou un autre diagnostic.



Evolution de la situation :

L’intolérance commence généralement lors du sevrage. La prise de biberons à la maternité est un facteur favorisant (sensibilisation initiale), elle n’est pas toujours retrouvée.
La situation s’améliore et l’enfant guérit le plus souvent au-delà de 12 à 18 mois. « Les guérisons » plus précoces sont sans doute des erreurs de diagnostic.



Où trouve-t-on du lait de vache ?

  Chez le fermier,
  A l’épicerie du coin, en bouteille, pasteurisé ou stérilisé ou en poudre.
  Dans les laits pour bébés qui sont fabriqués à partir de poudre de lait de vache écrémé auquel on ajoute des graisses, des vitamines, et tout ce que l’on estime utile pour le bébé.

 On en trouve aussi dans tous les dérivés du lait, le petit lait, la crème, le beurre qui ne contient que 90 % de graisses, les yaourts, les fromages et dans toutes sortes d’aliments : pots pour bébés, chocolat, gâteaux variés, plats préparés etc...  Même le boudin n’est pas que du porc et de la pomme. Il en contient 20 %.

Où ne trouve-t-on pas de protéines du lait de vache ?

Comme dirait La Palisse, « dans tout ce qui ne contient pas de lait de vache »

 Le lait des autres mammifères brebis, chèvre, ânesse, jument, chamelle, dromadaire... Ils sont peu adaptés à l’enfant mais peuvent apporter du calcium et des protéines. Je passe sur les mammifères marins qui ne sont pas faciles à traire!

Les laits d’amande, de soja, de riz parfois proposés ne contiennent pas de calcium sauf si le fabricant en ajoute. Il faut le vérifier sur l’emballage. On trouve dans cette catégorie, des préparations pour nourrissons mais il existe parfois des allergies croisées avec le soja et plus rarement le riz.

Une coquille d'oeuf contient du calcium pour 4 jours
Quand il n’y a plus aucun lait disponible, on peut trouver du calcium assimilable dans l’arête des poissons, sardines à l’huile (70 mg), dans la coquille d’œuf (2 grammes) qu’il faut piler. Un quart de coquille suffit chaque jour. On apportera des protéines d’autres origines : poulet et autres volatiles, jambon, mouton et autres animaux.

    Les légumes frais ou secs, les fruits, les farines, le blé et ses dérivés, le fromage de brebis…ne contiennent pas de protéines de  la vache.


On ne trouve pas non plus de lait de vache dans ce que l’on cuisine soi-même, sans beurre, ni lait, ni crème.
Cuisiner soi-même est plus sûr, beaucoup moins cher et plus tranquillisant qu’employer des plats préparés dont on n’est pas toujours sûr de la composition.

Pour résumer:

Si quelqu’un passe sa main sur votre joue, et que vos joues et vos yeux gonflent,  que votre gorge vous chatouille et que vous toussiez, vous êtes sans doute allergique. 
Si quelqu'un vous donne une paire de claques et que vos joues rougissent, vous êtes intolérant à la claque.
Si vous croisez  un bel homme ou une belle fille et que vous devenez tout rouge, vous avez "un érythème pudique", c'est normal et assez courant chez les jeunes filles.


                                            Finalement, c'est assez simple !


 Références
Food allergy: N Engl J Med 359;12 september 18, 2008
Mecanisme of Disease Atopic dermatitis  N Engl J Med 2008; 358:1483-1494 April 2008 Nombreuses informations sur l'allergie alimentaire et ses difficultés d'interprétation.

Question clés en allergie alimentaire: Ch. Dupont et coll L.E.N. médical édition hors commerce
Allergie alimentaire: F. Rancé, E Bidat Med et enfance Ed. 2000

Voir aussi dans ce site:
L'allaitement au sein
L'allaitement au biberon: quel lait choisir
Le lait de vache c'est fait pour les petits veaux
Diversification de l'alimentation du nourrisson
Diarrhée aiguë: Gastro-entérites


               Retour au sommaire

dimanche 1 janvier 2012

Meilleurs voeux du Dr Gamin



Merci  à tous ceux qui me lisent ou me font part de leurs commentaires 




Voici notre douce Auvergne ! (image d'artiste dit-on)
               Retour au sommaire