mercredi 20 janvier 2010

Diarrhée aiguë : Gastro-entérite. Signes, diagnostic, causes, traitement

La diarrhée aiguë ou gastro-entérite plus communément appelée « gastro » est une situation courante et à risque. Dans le monde elle est responsable d’une importante mortalité, particulièrement dans les pays pauvres et dans les zones surpeuplées où de plus les conditions sanitaires sont moins bonnes.
 Elle se définit par une augmentation du volume quotidien des selles, le plus souvent liée à une augmentation des secrétions digestives. Elle doit être distinguée des selles liquides isolées,  le plus souvent dues au « stress », ce qui n’a rien d’anormal, situation qui a donné libre cours à des expressions langagières  du genre «  c’est la m… » qui nous échappent lorsqu’on est contrarié et que la décence m’oblige à ne pas développer ici. Ce n’est pas un cours de linguistique !
L'enfant nourri au sein a des selles liquides et c'est normal.

C'est une insuffisance intestinale aiguë partielle

Signes :

La diarrhée aiguë se traduit par des selles, le plus souvent liquides ou pâteuses. Les vomissements sont inconstants parfois au premier plan lorsque la partie haute de l’intestin est malade. Les douleurs abdominales sont courantes. Elles peuvent être liées à l’irritation des intestins ou à des contractures des muscles abdominaux en cas de vomissements importants. La fièvre est le plus souvent inconstante, rarement au premier plan.

En pratique, on peut classer les situations de plusieurs manières ce qui aide pour évaluer les risques et choisir le traitement :


Les formes  hautes avec surtout des vomissements. La diarrhée est parfois retardée de quelques heures. L’atteinte concerne surtout l’intestin grêle. L’origine est le plus souvent virale.

Les formes basses volontiers fébriles avec peu de vomissements, des selles fréquentes et peu abondantes souvent pâteuses parfois glaireuses, moussantes. L’atteinte concerne surtout le colon. L’origine est parfois bactérienne (salmonelles, yersinia, clostridium D. …) et réalise alors un tableau appelé syndrome dysentérique avec nombreuses selles glaireuses parfois sanglantes, de la fièvre, des douleurs abdominales et des faux besoins. Ce qui rappelle les crises de dysenterie amibienne des « coloniaux ».

Les formes mixtes les plus fréquentes par atteinte prédominante du grêle moyen sont des diarrhées aqueuses parfois très abondantes. L’exemple type est le choléra avec 8 litres de selles par jour, ou le Rotavirus. Ce sont ces formes qui exposent aux déshydratations si redoutées.


Que fait le pédiatre avec tout cela ?


1. Il évalue la gravité de la situation
. Y a-t-il déshydratation ou menace ? On tient compte des ces signes : diarrhée, vomissements, alimentation, fièvre, état de l’enfant, poids, durée d’évolution.

Diarrhée : plus que le nombre de selles c’est le volume qu’on estime. Les diarrhées aqueuses sont plus abondantes.

Vomissements : il faut toujours se méfier d’une autre cause de vomissements; l’appendicite est la plus rare, l’invagination intestinale aiguë est la plus difficile à déceler . Je passe sur les hernies étranglées ou la torsion du testicule, les angines, les méningites et le reste qui sont plus faciles à éliminer du moment qu’on y pense.

Alimentation : L’intolérance alimentaire accroit le risque d’une mauvaise évolution.

Fièvre : La fièvre accroit les pertes d’eau par transpiration, la déshydratation accroit la gravité de la fièvre.

Trio infernal
 : diarrhée + vomissements + fièvre doivent faire envisager une hospitalisation.

Durée d’évolution : Une diarrhée aiguë est par définition brève. Son risque majeur est la déshydratation d’autant plus important que l’installation est brutale. Au-delà de 5 à 7 jours ce n’est plus une diarrhée aiguë et le risque majeur devient la dénutrition . C’est une autre affaire.

Etat de l’enfant : signes de déshydratation : mauvaise mine,  yeux creux, fontanelle déprimée, bouche sèche, persistance du pli cutané, fièvre, perte de poids, mode évolutif ? Certains sont faciles à évaluer d’autres moins :

- la perte de poids
 : cela parait simple mais c’est en pratique rarement déterminant, car on ne dispose pas toujours d’un poids récent et de plus dans les diarrhées très aiguës, l’eau peut se trouver encore dans les intestins et malgré une déshydratation réelle le poids reste un moment stable.


2. Il évalue  le risque de diffusion de l’infection en cas de diarrhée supposée bactérienne :
C’est heureusement une situation peu courante : la diarrhée est le plus souvent bactérienne lorsqu’elle est glaireuse ou sanglante, douloureuse et  fébrile mais rien n’est constant. Les analyses des selles renseignent très peu et leur résultat n’arrive souvent qu’après la guérison. L’âge de l’enfant et la survenue en dehors d’un contexte épidémique hivernal sont des facteurs importants. Le risque de diffusion de l’infection intestinale est maximum avant un an.

Avec quoi peut-on confondre une gastro-entérite ?

Les vomissements se voient aussi dans les angines, les bronchites, les méningites, l’invagination intestinale aiguë (la hantise des pédiatres), l’appendicite, les occlusions et même la torsion du testicule.

La diarrhée pose moins de problèmes. La seule question parfois est: " s’agit-il d’une forme aiguë ou chronique ?"



Causes des gastroentérites aiguës :


En cas d’épidémie ce sont des virus : essentiellement le Rotavirus chez l’enfant.


                                          Rotavirus (comme une petite roue)

Norovirus (Virus de Norwalk) qui entraine beaucoup de vomissements, et des tas d’autres (Echovirus, Parvovirus, Astrovirus ), tous insensibles aux antibiotiques. On ne les recherche pas.

Les formes plus isolées doivent faire envisager une origine bactérienne parfois à l’occasion d’une intoxication alimentaire (salmonelles, shigelles, yersinias,  campylobacter, colibacilles, staphylocoques)
Clostridium Difficile a défrayé la chronique car il s’est répandu dans certains hôpitaux. Il donne des diarrhées essentiellement après la prise d’antibiotiques. Il a également la fâcheuse propriété de pouvoir se développer dans les gouttelettes d’eau dans les sacs des aliments, même au congélateur.

Les parasites sont plus rares. En France, on rencontre parfois Gardia lamblia lors des formes récidivantes.

Complications :
Le principal risque est la déshydratation. Au delà de 5 à 7 % de perte de poids, elle menace la vie, d’où la nécessité d’une grande vigilance de la part des médecins et des parents.

Les autres complications sont plus rares et affaire de cas particuliers.

.

Traitement des gastro-entérites : la gastroentérite étant une insuffisance aiguë partielle, il faut utiliser les capacités restantes, et stimuler les mécanismes d'absorption qui sont le plus souvent intacts.

Réhydrater et nourrir :

Réhydrater : autrefois c’était la bonne vieille soupe de carottes ou l’eau de riz un peu salées,  maintenant ce sont les solutions de réhydratation (SRO) à volonté par petites quantités. Boire ces solutions réhydrate et diminue la diarrhée. Hydrater est l’objectif principal des formes un peu sévères durant les 24 voire 48 premières heures. Les enfants qui vomissent sans arrêt et s’aggravent doivent parfois être réhydratés par perfusion.


Nourrir : c’est indispensable pour permettre la cicatrisation de l’intestin et éviter la malnutrition. Trois pistes :
1. fractionner l’alimentation en petits repas.
2. proposer des aliments faciles à digérer c'est-à-dire très cuits et mixés. Utiliser des yaourts, naturellement pauvres en lactose. Ne pas forcer l’enfant.
Pour les nourrissons qui ont un régime non diversifié, il me semble prudent d’utiliser un lait sans lactose communément  appelé « lait de régime ». Ce point est maintenant discuté mais l’intolérance au lactose n’a pas disparue et elle est parfois importante.
3. Les enfants nourris au sein doivent continuer à être allaités ce qui est le meilleur pour eux.

Les médicaments sont tous discutés et sont au second plan, on peut citer :
Les ferments lactiques et pansements,
Les modificateurs du transits souvent plus dangereux qu’utiles,
Les modificateurs de l’absorption digestive.
L’emploi de ces substances me semble plutôt corrélé au marketing des laboratoires ou aux habitudes de chacun.

 Les solutions de réhydratation (SRO) ne sont pas vraiment des médicaments. Elles sont très utiles.

Les Antibiotiques peu recommandés sauf en cas de risque de diffusion infectieuse chez les petits enfants et les malnutris. Le choix est très délicat et assez hasardeux. On est peu aidé par les analyses car les coprocultures mettent parfois 5 jours à « pousser ».

Tout ceci est du ressort du toubib. On ne peut pas faire cela par téléphone.  Soyez cool avec votre médecin : il fait un métier très difficile nécessitant de l’expérience. 


Le Rôle des Parents :
Il est capital car avec les gastro-entérites il faut être particulièrement vigilant : surveiller, réhydrater, nourrir, se lever la nuit, décider d’emmener l’enfant à l’hôpital si la situation se dégrade. Mais globalement, cela se passe bien. Les parents sont très souvent compétents.


Conclusion :
La diarrhée aiguë est une situation fréquente, jamais banale en raison du risque de déshydratation. Il  faut consulter facilement, ce d’autant plus que l’enfant est plus jeune.




Jan Steel L'enfant malade (1660)
Cet enfant a une petite mine, pâle, les yeux enfoncés. Il a peut-être une déshydratation et mériterait, me semble -t-il,  un détour à l'hôpital. Mais en 1660 ...

La gastro-entérite, si fréquente, est une situation à risque, même si l’hospitalisation reste limitée. Elle impose aux parents de se transformer en « soignants » et faire l’ « hôpital à la maison ».


références: 
Thielman NM, Guerrant RL :
--> Acute Infectious Diarrhea -->N Engl J Med 350:38, January 1, 2004 
M. R. Amiera : Important Bacterial Gastrointestinal Pathogens in Children : A Pathogenesis perspective Pediatr Clin N Am 52 (2005) 749_777
Dupont HL:  Bacterial Diarrhea N Engl J Med 361:1560, October 15, 2009  Glass RI, Parashar UD, Estes MK  Norovirus Gastroenteritis  N Engl J Med 361:1776, October 29, 2009 Review Article 


           Retour au sommaire