Les maladies du tractus respiratoire haut ( nez, gorge, oreilles) et des bronches sont les plus courantes chez l’enfant. Bien qu’elles soient le plus souvent bénignes, elles peuvent donner lieu à des complications parfois graves.
Les rhino sont si fréquentes que même "Bonhomme de neige" en a une !!! |
Les chiffres cités font référence à ma pratique des dix dernières années concernant 11986 cas.
Définitions :
La classification de ces états infectieux est délicate et fluctuante avec des termes tels que :
rhino-sinusite : simple rhume, sinusite.
rhino-pharyngite : l’atteinte de la gorge (y compris les amygdales) est prédominante.
rhino-bronchite : la toux est le symptôme majeur.
otite : concerne l’otite moyenne aigüe avec ses diverses variétés.
L’approche de ces situations en fonction de la cause n’aide guère. En effet , les virus sont la cause la plus fréquente mais bon nombre de ces situations sont associées à des virus et des bactéries.
Les rhinopharyngites : (37% des cas) et sinusites affectent essentiellement le nez : un rhume en quelque sorte !
La gorge n'est pas très rouge. Ça n'a pas l'air bien méchant ! |
Photo Jean-Louis Corsin: jeune rouge-gorge
L'ethmodite est une urgence nécessitant un traitement antibiotique immédiat souvent par voie intraveineuse
Tomodensitométrie en coupe horizontale au niveau des yeux:
En noir: l'air (normal) des sinus ethmoïdaux
En blanc: les os.
En gris: liquide (pus) remplissant le sinus (1).
Les deux petites boules sont les yeux. On aperçoit à peine le cristallin plus clair en haut et le nerf optique en bas.
Images Sciencedirect
Les pharyngites isolées concernent la gorge qui est douloureuse. Les maux de tête et la fièvre sont variables. Les virus sont le plus souvent en cause.
Aspect d'angine streptococcique |
Photo: internet auteur non cité
Les bronchites : ( 44% des cas) sont souvent associées aux rhinopharyngites.
En théorie c'est très simple : celui qui tousse a une bronchite, mais il faut distinguer le niveau probable des lésions entre :
laryngite : en rouge la zone pathologique |
(Image montrant l'oedème du larynx)
bronchite "banale"( 23%) l'enfant tousse de toutes sortes de façons. L'auscultation est normale sauf des râles transmis venant du nez.
bronchiolite et asthme (4%) ce sont les petites bronches qui sont malades, il existe des râles sibilants.(sifflements) expiratoires.
broncho-alvéolite et pneumonie (1%) La présence de liquide dans les alvéoles pulmonaires se traduit par l'existence de râles crépitants inconstants mais caractéristiques.
Les otites moyennes (18 %) constituent un chapitre très complexe à théoriser car l'aspect du tympan qui devrait être déterminant pour le diagnostic, l'est en fait rarement.
Au fond du conduit auditif on voit le tympan. L'oreille moyenne se trouve derrière |
Certains distinguent 3 types d’otites moyennes. Elles ont des causes et des symptômes différents.
Otite aiguë : une infection de l’oreille moyenne qui dure en général de 7 à 14 jours.
Otite persistante : une infection de l’oreille moyenne qui persiste plus de 6 semaines. Il arrive aussi qu’il y ait présence d’un liquide dans l’oreille moyenne pendant plus de 3 mois, sans signe d’infection ni douleur. Dans ce cas, il est question d’otite séreuse. Il s’agit souvent d’une complication de l’otite aiguë.
Otites récurrentes : lorsqu’une otite aiguë réapparaît plusieurs fois dans une même saison.
Quelques exemples de ma pratique :
Tympan normal |
Image Dr P. Aidan
L'otite perforée : (13% des otites) c'est assez facile !
Après une nuit difficile ou parfois sans aucun signe prémonitoire, avec ou sans fièvre, les parents constatent un écoulement d'une oreille. Il s'agit de pus.
La couleur du pus oriente vers certains germes : jaune, c'est souvent un haemophilus sensible aux céphalosporines, gris, c'est plus souvent un pneumocoque parfois résistant aux antibiotiques si l'enfant en a reçu durant le mois précédent (un prélèvement peut être utile dans ces cas). Les autres germes sont rares dans mon expérience.
Le traitement comporte un antibiotique adapté au germe supposé responsable par voie orale et locale.
J'utilise également l'Eau Oxygénée à 10 volumes en instillation locale car c'est un très bon moyen de surveillance. En présence de pus ( leucocytes polynucléaires neutrophiles contenant des peroxydases) un important dégagement d'oxygène se produit créant une mousse qui nettoie le conduit de l'oreille. Lorsque la mousse ne survient plus, on peut déduire qu'il n'y a plus de pus, ce qui est le signe d'une bonne évolution.
La persistance de mousse après le troisième jour indique que l'écoulement persiste à travers le tympan perforé et doit faire envisager une modification du traitement.
L'otite hyperalgique (moins de 1%) c'est également assez facile mais moins "scientifique" !
Beaucoup d'otites sont douloureuses. On considère qu'elles atteignent une intensité de 7 sur une échelle de 0 à 10. Par comparaison, une ponction lombaire (faite par un maladroit!) est à 5 et une biopsie de moëlle osseuse sans anesthésie est à 7 également.
Quelque soit l'aspect du tympan, si les antalgiques généraux classiques, paracétamol, ibuprofène, aspirine associés à un anesthésique local ne sont pas très rapidement efficaces, il faut avoir recours aux opiacés et aux antibiotiques pour soulager au plus vite l'enfant. Si c'est une otite virale les antibiotiques sont bien sûr inutiles mais tant pis.
L'otite asymptomatique (16% des otites) ce n'est pas facile !
Il s'agit d'enfants le plus souvent en crèche que l'on voit pour une visite de routine et on a la surprise de trouver des tympans très anormaux bombant. Il n'y a guère de symptômes ou parfois un rhume car c'est l'hiver ( et, en crèche tous les enfants sont enrhumés !). La conduite adoptée en France va de l'abstention thérapeutique ou des simples soins du nez, à l'association antibiotiques + corticoïdes sans parler de la mise en place chirurgicale de drains trans-tympaniques (yoyo). Les études multiples sérieuses montrent que toutes ces démarches ont pratiquement la même efficacité c'est-à-dire très limitée. Je choisis plus souvent l'abstention thérapeutique. La guérison survient avec l'amélioration de la météo ou les vacances des parents.
Lorsque les tympans sont rétractés la situation est différente et sort du cadre de cet exposé.
Le gros des otites dites "classiques" (61% des otites) cause virale dans 80 % des cas.
Les parents consultent car l'enfant a passé une ou deux mauvaises nuits. Il est enrhumé , il tousse parfois. En position verticale, la douleur se calme. la fièvre est variable
L'aspect aide parfois:
Tympan très bombant avec liquide jaunâtre vu par transparence: bactérie ? prudence !!
Présence d'une phlyctène (bulle) qui semble parfois remplie de liquide jaunâtre : virus
Tympan rouge ou très rouge peu remanié, rhinorhée claire : virus
Image : Orl Marseille. Rougeur et hyperhémie du tympan, c'est parfois indolore ou au contraire très douloureux.
Les traitements :
L'humidification de l'air.
Les soins classiques du nez.
Les fébrifuges et antalgiques en sirop, paracétamol, ibuprofène plus rarement aspirine ou opiacés.
Les antalgiques locaux : (anesthésique de contact) gouttes dans les oreilles lorsque le tympan n'est pas perforé.
Les antibiotiques.
Avec le bon traitement, ça va s'arranger ! |
Signes d'orientation me poussant à employer des antibiotiques :
L'existence d'une conjonctivite, d'une toux, d'une fièvre modérée et d'une otite orientent vers un haemophilus influenzae.
La mauvaise mine de l'enfant, son jeune âge.
L'existence d'une fragilité personnelle (asthme, diabète) ou d'une pathologie associée .
La durée exagérée des symptômes, mais (c'est subjectif en fonction des médecins) .
Les constatations épidémiologiques du moment : c'est l'expérience quotidienne.
Les réactions des parents, ainsi que leur capacité à adhérer au traitement.
Pour résumer :
Les rhinopharyngites et les otites si fréquentes chez les petits enfants sont le plus souvent virales. Toutes ces affections peuvent coexister selon les moments de l'année et le type d'épidémie en cours. Le médecin qui a ces informations propose le traitement le plus adapté.
Les antibiotiques sont réservés aux formes sévères .
Conclusion:
"Beaucoup de maladies infectieuses des enfants sont virales. En traquant le risque de complications ou de surinfection bactérienne , il est possible, sans nuire à l'enfant, bien au contraire, de réduire considérablement la prescription d'antibiotiques tout en proposant un traitement aussi efficace que possible".
References
Streptococcal Pharyngitis Michael R. Wessels, M.D.N Engl J Med 2011; 364:648-65 February 2011
Acute Bacterial Sinusitis in Children Gregory P. DeMuri, M.D., and Ellen R. Wald, M.D.N Engl J Med 2012; 367:1128-1134
Upper Respiratory Tract Infections (Including Otitis Media): Pediatr Clin N AM 56 (2009) 101-107
Infectious Disease in Children: KrugmanS. Ward R. Katz S. Mosby Ed. 1977
Expérience personnelle : Dr Gamin
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mise à jour le 14/03/2013
Bonjour Dr Gamin
RépondreSupprimerVos articles sont intéressants et vous ne semblez pas du tout influencé par le lobby pharmaceutique. C'est rassurant
Encore merci,
Mickaël
L'industrie pharmaceutique apportent de nouveaux médicaments, heureusement.
SupprimerCependant , mon expérience m'a montré qu'une bonne partie des "merveilleux" médicaments n'étaient ni indispensables ni parfois anodins.
L'enfant est un être "en période de croissance physique et cérébrale" Il impose une prudence toute particulière
J'essaie d'être prudent et de le préserver des progrès incertains de la science dont je suis pourtant un fervent adepte.
"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme"