samedi 28 janvier 2012

Allergie et intolérance aux protéines du lait de vache

  L’allergie ou l’intolérance aux  protéines du lait de vache  ne sont pas aussi courantes  qu’on peut l’imaginer. Dans ma pratique sur 60 000 consultations concernant 5000 enfants ces 10 dernières années, elles ne concernent que 34 enfants. Cela semble assez peu, mais correspond assez bien à ce que j’avais noté lorsque j’étais médecin à l’Hôpital à Paris ou nous étions pourtant associés à une unité INSERM spécialisée en gastroentérologie pédiatrique.

Pourquoi le lait de cette belle vache ne me convient-il pas du tout ?


Cependant la fréquence peut varier beaucoup selon les critères que l’on retient pour retenir ce diagnostic. Autrefois on mettait dans cette catégorie les manifestations digestives préoccupantes. Actuellement on inclut toutes les manifestions à l’occasion desquelles on peut retrouver des signes biologiques d’allergie. L’explosion et la simplification des méthodes de recherche de l’allergie par le dosage d’anticorps de la catégorie des IgE (rast) explorant l’immunité humorale, ou la pratique de tests cutanés (prick test ou patch test) explorant plutôt l’immunité cellulaire ont  permis de mettre dans la catégorie « allergie » des enfants qui ont des manifestations digestives ou extra-digestives parfois bénignes.

Des chiffres de 2 à 7 % d’enfants allergiques au lait sont couramment cités. Puisque j’ai suivi 5000 enfants depuis 10 ans que je suis puissamment informatisé, je devrais avoir environ 250 cas. Avec mes 34 cas je suis bien loin du compte. Ceci indique, que je ne sais sans doute pas les reconnaître, ou que les critères sont trop larges ou discutables. Bien sûr, si je devais rechercher des allergies alimentaires chez les enfants porteurs d’eczéma, il faut ajouter 427 enfants, chez ceux qui régurgitent 148, chez les asthmatiques et autres siffleurs récidivistes 264. J’en passe. C’est déjà plus conséquent !

Quelle différence y a-t-il entre allergie et intolérance  ?

C’est assez confus : pour simplifier on peut dire :
L’allergie suppose un mécanisme immunologique d’action rapide  (les IgE).
L’intolérance, c’est le reste : pas de mécanisme allergique ou immunité retardée de type cellulaire (prick test ou patch test positifs).

Les manifestations :

sont les mêmes, le traitement identique et l’évolution peu différente à quelques nuances près. C’est pourquoi j’emploierai le terme d’intolérance plus général pour désigner l’une ou l’autre des situations.

Qu’observe-t-on ?

Les signes cutanés :

Plaques rouges, gonflement, eczéma. L’eczéma est particulièrement intéressant car il est très fréquent et très étudié. On ne sait pas du tout comment interpréter les perturbations immunologiques fréquemment observées dans les formes graves. Certains pensent que ces perturbations sont la conséquence et non la cause de l’eczéma. D’ailleurs la suppression des aliments incriminés apporte rarement une amélioration.

Les signes digestifs :

Ce sont les douleurs abdominales,  la diarrhée aiguë ou les vomissements lors de la prise des biberons.
Plus rarement il s’agit d’une diarrhée glairo-sanglante chez un nourrisson qui semble souffrir.

Les régurgitations et la constipation sont citées.

Les signes extra digestifs :

ORL: laryngite, otites, rhinopharyngites récidivantes.

Respiratoires: toux chronique, et asthme sont cités.

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L’énumération de tous ces signes souvent non spécifiques explique la variation de la fréquence estimée de l’intolérance au lait.

Ce qui n’est pas une intolérance aux protéines :
L'intolérance au lactose concerne plus de la moitié de la population mondiale (image wikipedia)

L’intolérance au lactose (le sucre du lait) génétique survient après le sevrage, très courante dans certains pays et définitive ou temporaire au décours d’une diarrhée aiguë.

Les gastro-entérites aiguës:

Toute sorte de pathologie aiguë ou chronique de l’intestin.


Comment parvenir au diagnostic et chez qui faut-il le rechercher ?

De mon point de vue, ce sont essentiellement les enfants porteurs de signes digestifs et ceux qui souffrent qui doivent être suspectés.

Parvenir au diagnostic est facile chez les tout petits. Il suffit de supprimer pour un mois le lait de vache en le remplaçant par un hydrolysat « poussé » (pseudo lait ne contenant plus de protéines) et faire le point. Lorsque l’amélioration est évidente la suspicion se renforce.

Faut–il faire des tests d’allergie ?

Les prises de sang, les tests cutanés sont pénibles pour l’enfant, source de perte de temps pour les parents et très coûteux pour la société pour un bénéfice douteux le plus souvent.

Cela parait très sérieux comme démarche, mais n’apporte pas grand-chose ni pour le diagnostic, ni pour le traitement. Si c’est positif, on peut être allergique ou non, si c’est négatif, on peut être intolérant ou non. C’est bien ennuyeux.

L’immunologie ne nous éclaire guère.

 Le diagnostic est donc le plus souvent basé sur l’observation de la situation et le récit des parents:

















Que faire à la fin du mois d’exclusion du lait de vache ou du lait en poudre?

1.  Si l’amélioration est évidente et que les signes initiaux étaient évocateurs, poursuivre l’éviction jusqu’à 18 mois.

2. Dans les autres : si l’amélioration n’est pas franche, il faut chercher une erreur de régime (yaourt, beurre etc..) ou un autre diagnostic.



Evolution de la situation :

L’intolérance commence généralement lors du sevrage. La prise de biberons à la maternité est un facteur favorisant (sensibilisation initiale), elle n’est pas toujours retrouvée.
La situation s’améliore et l’enfant guérit le plus souvent au-delà de 12 à 18 mois. « Les guérisons » plus précoces sont sans doute des erreurs de diagnostic.



Où trouve-t-on du lait de vache ?

  Chez le fermier,
  A l’épicerie du coin, en bouteille, pasteurisé ou stérilisé ou en poudre.
  Dans les laits pour bébés qui sont fabriqués à partir de poudre de lait de vache écrémé auquel on ajoute des graisses, des vitamines, et tout ce que l’on estime utile pour le bébé.

 On en trouve aussi dans tous les dérivés du lait, le petit lait, la crème, le beurre qui ne contient que 90 % de graisses, les yaourts, les fromages et dans toutes sortes d’aliments : pots pour bébés, chocolat, gâteaux variés, plats préparés etc...  Même le boudin n’est pas que du porc et de la pomme. Il en contient 20 %.

Où ne trouve-t-on pas de protéines du lait de vache ?

Comme dirait La Palisse, « dans tout ce qui ne contient pas de lait de vache »

 Le lait des autres mammifères brebis, chèvre, ânesse, jument, chamelle, dromadaire... Ils sont peu adaptés à l’enfant mais peuvent apporter du calcium et des protéines. Je passe sur les mammifères marins qui ne sont pas faciles à traire!

Les laits d’amande, de soja, de riz parfois proposés ne contiennent pas de calcium sauf si le fabricant en ajoute. Il faut le vérifier sur l’emballage. On trouve dans cette catégorie, des préparations pour nourrissons mais il existe parfois des allergies croisées avec le soja et plus rarement le riz.

Une coquille d'oeuf contient du calcium pour 4 jours
Quand il n’y a plus aucun lait disponible, on peut trouver du calcium assimilable dans l’arête des poissons, sardines à l’huile (70 mg), dans la coquille d’œuf (2 grammes) qu’il faut piler. Un quart de coquille suffit chaque jour. On apportera des protéines d’autres origines : poulet et autres volatiles, jambon, mouton et autres animaux.

    Les légumes frais ou secs, les fruits, les farines, le blé et ses dérivés, le fromage de brebis…ne contiennent pas de protéines de  la vache.


On ne trouve pas non plus de lait de vache dans ce que l’on cuisine soi-même, sans beurre, ni lait, ni crème.
Cuisiner soi-même est plus sûr, beaucoup moins cher et plus tranquillisant qu’employer des plats préparés dont on n’est pas toujours sûr de la composition.

Pour résumer:

Si quelqu’un passe sa main sur votre joue, et que vos joues et vos yeux gonflent,  que votre gorge vous chatouille et que vous toussiez, vous êtes sans doute allergique. 
Si quelqu'un vous donne une paire de claques et que vos joues rougissent, vous êtes intolérant à la claque.
Si vous croisez  un bel homme ou une belle fille et que vous devenez tout rouge, vous avez "un érythème pudique", c'est normal et assez courant chez les jeunes filles.


                                            Finalement, c'est assez simple !


 Références
Food allergy: N Engl J Med 359;12 september 18, 2008
Mecanisme of Disease Atopic dermatitis  N Engl J Med 2008; 358:1483-1494 April 2008 Nombreuses informations sur l'allergie alimentaire et ses difficultés d'interprétation.

Question clés en allergie alimentaire: Ch. Dupont et coll L.E.N. médical édition hors commerce
Allergie alimentaire: F. Rancé, E Bidat Med et enfance Ed. 2000

Voir aussi dans ce site:
L'allaitement au sein
L'allaitement au biberon: quel lait choisir
Le lait de vache c'est fait pour les petits veaux
Diversification de l'alimentation du nourrisson
Diarrhée aiguë: Gastro-entérites


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6 commentaires:

  1. Bonjour Dr Gamin,

    Votre article est très intéressant, on comprend bien qu'il y a plus de soi-disant allergie que d'allergie proprement dite. Pour réintroduire des aliments contenant des protéines de lait de vache, comment procède-t-on ? Merci de votre réponse.

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  2. Bonjour Fanette,

    En matière d’intolérance alimentaire (au sens large) la situation est souvent complexe. Il est parfois difficile de séparer la réalité du «ressenti». Les mères (ou les pères) ont souvent raison. Il faut toujours les écouter. En cas de doute, il vaut mieux être très prudent et exclure temporairement l’allergène incriminé.

    Pour la réintroduction du lait, hormis cas particulier, elle se fait à l’hôpital, très progressivement, rarement avant 18 mois.

    Lorsque les parents ne veulent pas entendre parler de l’Hôpital, il faut leur conseiller la plus extrême prudence. Introduire du lait extrêmement dilué un jour où les médecins sont joignables, et en dehors du Weekend, pour disposer d’un Hôpital plein de médecins, posséder de la cortisone et de l’adrénaline injectable à la maison et savoir comment s’en servir. Augmenter progressivement les doses. Bref l’Hôpital à la maison. C’est un métier.

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  3. Bonjour Dr Gamin,

    Ma fille âgée de 8 mois a un intolérance aux protéines du lait de vache depuis les premiers biberons. Mon pédiatre qui semble avoir les mêmes idées que vous, n’a pas fait de test biologique. Un essai très prudent de réintroduction du lait a entrainé des douleurs et des selles glaireuses. Je continue à l’allaiter.
    Votre site ne nous dit pas tout :

    Pour info, à quel âge les bébés peuvent-ils boire du "vrai" lait de vache (entier ou demi-écrémé), quand ils ne sont pas allergiques ?

    Le lait de chèvre se trouve assez facilement dans les supermarchés ici, en brique UHT entier ou écrémé. Je ne sais pas ce qui est le plus raisonnable: insister avec le lait hyper hydrolysé, essayer les préparations HA ou au soja, ou expérimenter le lait de chèvre ?

    Je veux bien essayer le lait de chèvre, entre toutes ces solutions c'est celle qui semble la plus "naturelle", à défaut d'autre chose !

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  4. Bonjour Annie,

    Le lait de vache stérilisé pasteurisé ou bouilli peut être toléré par les bébés non allergiques, dès la naissance, mais il n’est pas adapté à notre espèce. Il faut le diluer avec de l’eau et diversifier rapidement pour apporter du fer, des acides gras désaturés, des vitamines.

    Durant les années 1970 on employait encore le «Lait concentré Gloria » en petites boites rouges mais rapidement celui-ci a été détrôné par le lait en poudre, plus sûr, plus adéquat mais plus cher.


    Le lait de chèvre UHT entier coupé de moitié avec de l’eau est plus adapté que le lait écrémé. Il faut ajouter des céréales pour le rendre plus approprié, je dirais une cuillerée à soupe rase pour 40 grammes de lait dilué et 1 à 2 ml (1/2 cuillères à café) d'huile d'olive par biberon. Il faut apporter du fer (poulet ou poisson). Des fruits crûs pour la Vit C par exemple quelques cuillères à café de jus d'orange pressée.

    On trouve du lait de chèvre en poudre sur internet, mais compte tenu du nombre d’erreurs flagrantes dans la composition (confusion entre les grammes et les milligrammes) j’ai un doute.

    Dans tous les cas, attention au risque infectieux car les laits de ruminants favorisent la prolifération des microbes et tout doux lors de l’introduction d’un aliment nouveau.

    Les laits très hydrolysés conviennent en général mais sont coûteux.
    Si votre fille les tolère c’est très pratique, le goût est moyen mais, elle s’habituera, je pense.
    Le lait de soja ou de riz en formule pour bébé, peuvent être tolérés, mais prudence.

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  5. paulindidier@free.fr6 octobre 2017 à 15:18

    Bonjour , Ma petite fille hurle pendant des heures après chaque biberon , ma belle fille est désespérée . Que faire ?

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  6. Bonjour Paulindidier.
    La cause des pleurs chez l'enfant est extrêmement variable que ce soit avant ou après le biberon, le jour ou la nuit, avec ou sans lait en poudre. C'est typiquement un cas particulier très fréquent pour lequel une discussion avec un médecin ou une puéricultrice est indispensable

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